Le niveau d’inflation de long terme est beaucoup plus faible au Japon que dans les autres pays avancés, en partie à cause de la faiblesse de la consommation des ménages. La consommation a tout d’abord fortement pâti de la crise bancaire du début des années 1990 et de la dynamique de désinflation par la dette qui s’est ensuivie. Depuis le début des années 2000, la faiblesse structurelle de la consommation privée résulte essentiellement de l’atonie de la croissance des salaires. Deux facteurs explicatifs ressortent : i) le facteur capital a engrangé une part substantielle des (faibles) gains de la croissance en raison de l’affaiblissement du pouvoir de négociation des travailleurs ; ii) le sous investissement chronique des entreprises causé par la faiblesse de la demande anticipée et les très faibles gains de productivité qui en découlent (notamment dans le secteur abrité de la concurrence internationale) ont freiné la croissance des salaires.
Depuis le premier choc pétrolier de 1973, et c’est toujours le cas en 2021‑2022, l’inflation est plus faible au Japon que dans les autres pays avancés. Hormis les dernières valeurs depuis le printemps 2022 (3 % en septembre), l’inflation est même restée en deçà de la cible de la Banque centrale du Japon (BoJ) depuis la crise bancaire des années 1990 (cf. graphique 1). En effet, le choc initial sur la demande, suivi d’une spirale de déflation par la dette (Fisher, 1933), et la baisse des anticipations d’inflation pèsent sur la consommation depuis la fin des années 1990 (cf. graphique 2). Les « trois flèches » du plan de relance de l’ancien Premier ministre Shinzo Abe lancées en 2013‑2014 ont permis de stimuler temporairement l’inflation par la hausse de la consommation des ménages et des anticipations d’inflation (Maruyama et Suganuma, 2019). Néanmoins, la dynamique de la consommation s’est rapidement essoufflée, faute de hausse des salaires (cf. graphique 3) et en raison de l’augmentation de la TVA. Elle a aussi été affectée négativement par une inflation perçue comme structurellement supérieure à l’inflation réalisée (cf. encadré 1 infra).
La faible dynamique des salaires réels (cf. graphique 3) pèse sur la consommation depuis la fin des années 1990. Cette faiblesse des salaires relèverait de deux phénomènes concomitants et interdépendants :
La part de la rémunération du travail dans la valeur ajoutée diminue car le salaire réel n’augmente pas
Depuis 1995, la part de la valeur ajoutée allouée à la rémunération du travail au Japon régresse fortement, un mouvement déjà entamé au début des années 1980 (comme en France et au Royaume‑Uni), mais qui s’est grandement accentué dans les années 2000, suivant le même déclin qu’aux États‑Unis.
Mis à jour le : 27/10/2022 10:00