Pourquoi l’inflation de la zone euro est-elle restée si faible malgré la reprise dynamique de l’activité depuis 2014 ? Depuis plusieurs années, l’inflation sous-jacente, mesurée par l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) hors énergie et alimentation, est restée proche de 1 %, un niveau faible comparé à la période d’avant la crise. L’inflation sous-jacente, représentée par la courbe bleue sur le graphique 1, évolue depuis 2013 entre 0,7 % et 1,2 % en glissement annuel, alors que la moyenne 2000-2007 était de 1,6 %. Cette atonie contraste avec le dynamisme de la reprise économique, qui s’est traduit par une forte baisse du chômage depuis 2013, passé de 12,0 % de la population active en mars 2013 à 7,7 % en mars 2019.
Comme le montre le graphique 1, cette déconnexion entre chômage et inflation sous-jacente est un phénomène nouveau (la courbe verte représente le taux de chômage en échelle inversée et normalisée pour le rendre comparable avec le taux d’inflation). Elle a amené certains analystes à proclamer la mort de la « courbe de Phillips » qui renvoie à la régularité statistique historique entre évolution des prix et niveau de l’activité économique. Pour autant, l’embellie conjoncturelle et la reprise du marché de l’emploi ont bien donné lieu à une accélération notable des salaires. La rémunération moyenne par employé a ainsi accéléré de 1,4 % de variation annuelle en 2014 à 2,2 % en 2018, en ligne avec la relation historique entre chômage et croissance des rémunérations représentée sur le graphique 2.
Pourquoi cette hausse des salaires ne s’est-elle pas transmise à l’inflation sous‑jacente ? Cet article propose une décomposition nouvelle de l’inflation sous-jacente afin d’éclairer les facteurs à l’oeuvre dans l’absence apparente de transmission.
Nous montrons que l’inflation sous‑jacente peut être décomposée algébriquement en quatre facteurs principaux : i) les rémunérations moyennes ajustées de la productivité, ou coût unitaire du travail (CUT) ; ii) les marges ; iii) les termes de l’échange hors énergie et alimentation, ou termes de l’échange sous‑jacents et iv) les différentiels d’évolution entre le prix à la consommation des ménages et ceux de la consommation publique, de l’investissement et des exportations. L’absence de remontée de l’inflation sous-jacente depuis 2017, malgré une forte accélération du CUT, est due à un ensemble de facteurs. D’une part, les marges se sont comprimées, en lien avec…